Statistiquement, la présence du chanvre dans les rayons alimentaires monte en flèche, portée par l’engouement pour ses vertus nutritionnelles et la vague de nouvelles habitudes de consommation. Huiles, barres énergétiques, biscuits, confiseries : la famille des produits à base de chanvre s’agrandit de semaine en semaine. Plusieurs études sérieuses le confirment : dénuées de THC, les graines de chanvre regorgent de composés antioxydants et d’oméga-3, deux arguments qui séduisent autant les curieux que les convaincus. Depuis quelque temps, il est même possible d’acheter des fleurs CBD sur JustBob et de profiter d’un large éventail de CBD en ligne.
Mais le cadre réglementaire, lui, reste tout sauf limpide. Les textes se chevauchent, les frontières juridiques fluctuent, et la vente en ligne, vaste terrain de jeu aux contours encore flous, complexifie sérieusement le contrôle et la répression des dérives.
Produits à base de chanvre à usage alimentaire : premier état des lieux
Le cannabis, sous toutes ses formes (herbe, résine, extraits, teintures), figure noir sur blanc dans la liste des substances surveillées par la Convention Unique sur les Stupéfiants, principalement à cause de la présence du tétrahydrocannabinol, ou « THC ».
En parallèle, l’Union européenne classe le cannabis sativa parmi les cultures agricoles autorisées… à une condition stricte : la teneur en THC ne doit pas dépasser 0,2 %. Cette valeur s’applique également à l’importation des produits dérivés du chanvre.
Dans l’alimentation animale, l’usage des graines de cannabis sativa s’appuie sur un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) publié en 2011, qui a examiné leur impact dans le secteur agroalimentaire. En 2015, l’EFSA s’est penchée sur la question des résidus de THC dans le lait et autres produits issus des animaux nourris au chanvre. Résultat : l’exposition des consommateurs au Δ9-THC via ces aliments, aux concentrations habituellement mesurées, ne posait pas de problème de santé publique. Un seuil aigu de référence a été fixé à 1 μg/kg de poids corporel pour le Δ9-THC.
Plus récemment, la Commission européenne a recommandé en 2016 un suivi accru de la présence de Δ9-THC dans les denrées alimentaires. En 2020, l’EFSA a réévalué le risque pour la population humaine : chez les adultes consommateurs réguliers de produits à base de chanvre, la dose de 1 μg/kg de poids corporel pouvait être dépassée. Toutefois, l’avis souligne clairement le manque de données robustes pour établir une évaluation définitive.
En droit français, la définition des stupéfiants répond à une logique très précise : seules les substances expressément listées dans des tableaux annexés à la législation sur les stupéfiants sont concernées. Ces listes, alignées sur les conventions internationales, évoluent régulièrement par décision du ministère de la Santé.
La culture du chanvre
En France, deux arrêtés encadrent la culture du chanvre : celui du 22 août 1990 et celui du 21 février 2008. La législation nationale interdit de cultiver le chanvre pour la récolte de fleurs ; seules la fibre, la paille et les graines peuvent être produites légalement. Les textes et liens officiels, dont la publication de la MILDECA, détaillent ces restrictions.
Par ailleurs, seules les variétés spécifiquement autorisées sur le territoire français peuvent être mises en culture. La liste des variétés autorisées est disponible sur www.gnis.fr et https://www.legifrance.gouv.fr/. La première liste recense les variétés cultivables mais non destinées à la multiplication ou à la vente de la récolte. Celles autorisées pour la multiplication et la commercialisation des récoltes doivent figurer dans la seconde liste.
La loi 242/2016 détaille précisément les situations dans lesquelles la culture du chanvre sativa, parmi les variétés inscrites au catalogue commun, peut s’exercer sans autorisation spécifique, tout en respectant la réglementation sur les stupéfiants et substances psychotropes (DPR 309/1990).
Le point clé concerne la gestion de la teneur en THC dans la culture : l’article 4 de la loi prévoit trois scénarios distincts pour l’agriculteur. Les voici résumés :
- Premier cas : la culture affiche un taux de THC inférieur à 0,2 %. L’activité est alors totalement permise et ne nécessite aucune autorisation.
- Deuxième situation : le taux de THC, mesuré selon les méthodes en vigueur, se situe entre 0,2 % et 0,6 %. L’agriculteur n’est tenu responsable ni pénalement ni civilement, à condition d’avoir respecté toutes les obligations légales.
- Troisième hypothèse : la culture respecte la procédure, mais la teneur en THC dépasse 0,6 %. Si l’agriculteur s’est bien conformé à la loi, il reste protégé juridiquement. Toutefois, la récolte sera systématiquement saisie et détruite.
Le marché du chanvre, entre attentes des consommateurs, vigilance des autorités et cadre législatif mouvant, trace une ligne sur laquelle chaque acteur avance avec prudence. Difficile de prédire la prochaine étape, mais une chose est sûre : le débat sur la place du chanvre dans notre alimentation ne fait que commencer.

